- Petite histoire de la médecine
La pratique médicale à Saint-Martial au début du XVIIIe siècle
Un relevé des soins dispensés par un médecin d’Excideuil à la famille dite « Mambreuze », du moulin de Lage, entre le 2 septembre 1702 et le 23 juin 1714, nous permet de revenir sur la pratique médicale à Saint-Martial-d’Albarède au début du XVIIIe siècle.
Mambreuze était en fait le sobriquet des Dumerchat. En 1701, le moulin de Lage, qui appartenait au domaine du château d’Excideuil, était affermé à Thony Dumerchat et à Noël Beauvaix, son beau-frère. Léonard Dumerchat également appelé « Mambreuze » était meunier à Lage à la même époque. L’ensemble des dépenses médicales pour ces années s’élève à 134 livres.
Les visites du médecin sont régulières. Plusieurs « voyages « par mois sont facturés chacun 0,05 L. Le médecin se déplace pour le meunier mais également pour sa femme, pour le valet, pour la servante et pour « Noël » [Beauvaix]. Exceptionnellement, le médecin s’est déplacé 3 fois la même journée. La saignée semble le remède à de nombreux maux. En 1704, à l’occasion de 11 visites, le médecin excideuillais va pratiquer 7 saignées. L’évacuation d’une certaine quantité de sang chez un malade à des fins thérapeutiques a connu, à partir de la Renaissance, un regain de popularité dans le corps médical jusqu’à devenir une véritable panacée au XVIIe siècle. Au moulin de Lage, le médecin pratiquait essentiellement des « saignées au bras » mais parfois « des saignées au pied ». La saignée pouvait être réitérée le même jour. La pratique de la saignée, très critiquée à compter du XVIIIe siècle, va progressivement se réduire. Déjà, en 1710, nous ne comptons qu’une seule saignée pour 15 visites. Les saignées étaient facturées de 0,05 L (au bras) à 0,10 L (au pied).
Notre médecin proposait régulièrement des « médecines purgatives », des « lavements laxatifs » ou des « lavements en drain ». Les préparations « médicamenteuses » du médecin se révèlent d’ailleurs beaucoup plus lucratives que les saignées. Notre médecin administrait régulièrement des prises de « thériaque ». La thériaque, qui passait aussi pour une panacée, devait la majeure partie de son action à l’extrait d’opium qu’elle renfermait (environ 25 mg pour 4 grammes). Elle ne fut supprimée du Codex qu’à la fin du XIXe siècle. Préparée par les apothicaires, la composition de la thériaque a beaucoup varié. Celles préparées à Venise et Montpellier étaient très réputées. Les meilleures préparations nécessitaient plus d’un an et demi (car elle devait fermenter) et faisait appel à plusieurs dizaines d’ingrédients végétaux, minéraux et animaux des plus variés, sans compter le vin et le miel : gentiane, poivre, myrrhe, acacia, rose, iris, rue, valériane, millepertuis, fenouil, anis ainsi que, parfois, de la chair séchée de vipère et de castor. Dans la prescription du médecin excideuillais, la prise de thériaque est associée à plusieurs reprises à « une prise de confection diacinte ».
Notre médecin d’Excideuil remettait à son patient du sirop de capillaire en « fiole ». Le capillaire « de Montpellier » est une fougère à petite feuille (Adiantum capillus veneris), réputé adoucissant et bon pour les « maladies de poitrine ». On utilise aussi le capillaire rouge et le capillaire noir. Le sirop de capillaire à un petit goût de Coca Cola (évidemment inconnu à l’époque !)
La bouteille ou la chopine de quinquina était vendue 2 livres. Elle permettait probablement 8 prises. En septembre 1704, Mambreuze s’en fera prescrire 3 bouteilles et demie. La connaissance du quinquina, originaire de la Cordillère des Andes, est alors récente en Europe. C’est au 17ème siècle qu’un médecin anglais découvrit les propriétés de son écorce que l’on utilisa sous forme de poudre, au début seulement pour les grands de ce monde. L’écorce de quinquina contient de la quinine et de la cinchonine aux propriétés fébrifuges, c’est pourquoi elle est connue pour son action dans toutes sortes de fièvres.
On trouve également dans les remèdes prescrit « une potion cordiale et diaphorétique » (qui fait transpirer) et de « l’émulsion » soit « pectorale » soit « somnifère ».
Notre médecin excideuillais proposait un onguent d’Althéa. Il s’agissait d’une préparation à partir de l’Hibiscus syriacus, l’Hibiscus commun des jardins d’Europe de l’ouest, aussi appelé Althéa, guimauve en arbre, mauve en arbre, ketmie des jardins. L’Althéa doit d’ailleurs son nom au grec althaïno qui signifie guérir en allusion à ses propriétés médicinales. En effet, la fleur est comestible et a des propriétés émollientes (= qui détend, ramollit les tissus). Elles étaient autrefois utilisées en médecine populaire pour calmer la toux et guérir les angines.
Quel était l’efficacité de cette pratique médicale ? A la fois limitée en cas de problème de santé sérieux (notamment épidémie) mais suffisamment satisfaisante pour les meuniers de Lage qui faisaient appel régulièrement à leur médecin de famille. La part de la psychologie n’est-elle pas essentielle dans la guérison ? Enfin qui était ce médecin d’Excideuil ? Une quittance de 7 livres, datée de 1699, en faveur « Françoise Combelas, veuve de François Bosvay, meunier de Lage », pour « drogues et médicaments » est signée Roussilhe (médecin ou apothicaire ?). Nous savons également que Guillaume Eyraud exerçait la médecine à Excideuil à cette époque. François Golfier, docteur en médecine, exerçait aussi au début du XVIII e siècle tout en étant … maire alternatif à Excideuil.
Francis A. BODDART
NB : Une partie des archives du Moulin de Lage, dont ces relevés de soins, ont été préservées par Pierre Larue que nous remercions.